Elise Lefebvre
Texte & photographies : Kathleen Missud
Cet automne, Relief Mag est parti à la rencontre d’Elise Lefebvre, céramiste installée à Limoges, pays de verdure et de porcelaine. Interviewée par Kathleen Missud, référente #art et photographe pour Relief, Elise nous ouvre son atelier, baigné de lumière et de couleurs chaudes pour partager avec nous son parcours, ses inspirations et son rapport à la céramique. Largement influencée par les arts populaire et naïf, les créations d’Elise sont le reflet d’une personnalité haute en couleur, que l’on sent déterminée et passionnée par son art.
Quel est ton parcours ? Comment est née ton envie de travailler la céramique ?
Je m’appelle Elise Lefebvre, je suis céramiste et travaille la faïence et la couleur. Je crée de la vaisselle et des sculptures.
J’ai commencé par le Lycée d’Arts Appliqués à la Souterraine (en Creuse) mais ayant grandi dans une famille qui travaille le textile, je voulais faire me spécialement dans ce domaine et ai donc fait un BTS Arts Appliqués Textiles à Roubaix. J’aimais tout ce qui était touchait à la couleur. On faisait beaucoup de dessins, des peintures de motifs mais le matériau textile en lui même ne me plaisait pas réellement et les métiers qui en débouchaient - que ce soit pour la mode ou l’ameublement ne m’intéressaient pas nécessairement. Après ce BTS j’ai passé un diplôme des Métiers d’Arts en Céramique, un peu par hasard et j’en ai finalement été ravie ! Ce qui m’a plu, c'est le côté “objet” de la céramique, le fait que l’on puisse l’utiliser au quotidien, l’investissement physique qu’il y a derrière parce que l’on n’est pas que dans quelque chose de statique. Tu es obligé de bouger, de faire corps avec la matière. Ce qui m’a surtout plu c’est que tout cela est infini. La céramique est particulièrement large, tu peux chercher pendant très longtemps. Ça m’a rassurée de me dire que je pouvais trouver un métier qui me tienne longtemps même si, finalement, j’utilise la même technique depuis le début.
Que t’évoque la céramique ?
Elle m'évoque à la fois une matière et un objet du quotidien avec lequel tu vis, tu manges, que tu observes. Depuis toujours la céramique évoque plein de choses, on a tous forcément un lien avec cette matière car elle est présente partout, elle a toujours été travaillée dans beaucoup de pays, et est commune à beaucoup d’entre nous.
Comment la travailles-tu ?
Je travaille avec des moules en plâtre, c’est ce qui m’a plu dès le début. J’ai même voulu être mouleuse ! Les moules permettent de faire des choses un peu moins aléatoires, plus raides, plus nettes. Cela se rapproche d’ailleurs du travail du bois. Il faut faire un modèle puis un moule avec une ou plusieurs parties avant de couler la pièce à l’intérieur. A chaque nouvelle pièce, un nouveau moule. Cela peut d’ailleurs être problématique car ce processus n’est pas spontané. Ça m'est arrivé de passer beaucoup de temps à faire du moulage et me rendre compte une fois la pièce finie que cela ne me plaisait pas… J’essaie maintenant des choses en amont de manière plus spontanée avec un peu de modelage. Le moulage permet d’obtenir des bases, des moules de tubes à partir desquels il est possible de d’imaginer plusieurs déclinaisons. Je travaille la céramique plutôt comme une recherche de formes car elle est avant tout un support. J’aime ce que ça évoque mais je ne suis pas complètement dans la matière, ce que j’aime c’est peindre.
Quel est ton moment préféré dans le processus de création ?
La peinture, vraiment. Et la sortie du four ! Parfois l’attente est trop dure, ça me réveille la nuit et de retour dans l’atelier je ne peux pas m’empêcher de regarder même si c’est trop chaud. La première cuisson dure entre 12h et 14h puis s’ajoute encore la 2ème cuisson. Quand tu ouvres - à part quand on maîtrise vraiment - c’est toujours différent de ce que j’avais imaginé, et c’est ce que j’aime. Je pense que beaucoup de céramistes cherchent l’aléatoire, l’effet de surprise… A certains moments les couleurs vont se croiser, créer des dégradés. Quand il y a une erreur, c'est très difficile de savoir d'où elle vient. La quête c’est un peu ça, il faut essayer de tout détricoter mais c’est presque impossible car cela implique trop de facteurs impalpables. Cela a également l’avantage de conférer un caractère unique à chaque pièce ! Parfois, cela donne lieu à de belles surprises, mais ce n’est malheureusement pas toujours le cas ! Il arrive que je mette du temps à accepter une pièce car j’avais une idée en tête et que le résultat n’est pas le même. Mais quand je reviens dessus une fois cette frustration passée, je parviens toujours à trouver un esthétisme qui me séduit et qui est simplement différent de ce que j’avais imaginé.
Quelles sont tes principales sources d’inspiration ?
La nature est devenue plus présente une fois arrivée à Limoges car elle m’entoure. Le fait d’avoir plus de place dans mon atelier qu’à Pantin me permet d’avoir une gestuelle plus ample et donc de faire plus de choses. Le fait d’avoir moins de pression financière aussi m’a permis de pouvoir tester, sans forcément avoir à créer pour vendre. Tout ça est venu de manière naturelle sans que je m’en rende compte. Les arts populaires, les arts naïfs sont mes principales sources d’inspiration. L’inspiration vient aussi après des vacances où des ambiances qui me permettent de voir les choses différemment. Quant au travail de sculpture, je m’inspire de tout ce qui touche à la mythologie. Mes fils sont à fond mythologie, alors forcément ça alimente !
Dans quel environnement aimes-tu travailler ?
J'ai pour habitude de travailler avec la radio ou la musique et parfois des podcasts mais d’un coup, je ne vois plus le temps passer ! Je travaille de plus en plus en silence et ce qui m’aide à construire les choses dans ma tête. C’est pas mal aussi le silence, ça permet de mieux s’organiser.
Quel est ton matériau de prédilection ?
La faïence parce qu’elle permet une plus large gamme de couleurs, ne coule pas trop et ressemble plus à la gouache. J’aime également son côté populaire et ce que ça évoque.
Te souviens-tu de ta première pièce ?
Les pièces que je peux considérer comme étant les premières sont celles que j’avais faites pour mon diplôme lorsque j‘avais dû réfléchir à une collection. C’étaient des objets du quotidien que j’avais moulés et assemblés, en faïence ! Depuis j’ai testé différentes techniques mais je me rends compte que je reviens toujours à la même.
Peux-tu nous parler d’un projet qui t’a particulièrement marqué ?
Plein ! Dernièrement ce qui m’a le plus plu c’était l’exposition que j'ai faite à Artazart, une libraire à Paris sur le Canal Saint-Martin. Ils exposent des artistes dans leur vitrine et à l’intérieur de la boutique. Ils m’avaient contacté pour que je fasse leur vitrine avec des sculptures mais je n’en avais encore jamais réalisé ! De moi-même je n’aurais jamais osé le faire, j’ai eu beaucoup de pression mais c’était super. L’année d’après j’ai réitéré l’expérience en collaboration avec Clémence Monnet. Nous avions travaillé, à distance, sur le thème marin, on s’envoyait des textes, de la musique, c’était une espèce de ping-pong qui se nourrissait et se construisait. C’était chouette à faire, j’étais vraiment contente du résultat et d’être arrivée là, d’avoir fait ça jusqu’au bout m’a permis de prendre confiance en moi sur le travail de sculpture. La sculpture ça vient chercher en toi, c’est émouvant !
Quels sont tes projets à venir ?
J’ai justement pour projet de me consacrer un peu plus à la sculpture. Je n’arrive pas à le faire au milieu de la production et les cours de céramique que je donne. J’aimerais bien un peu me couper de la production, retrouver plus de spontanéité et prendre du temps uniquement pour faire de la sculpture. Je sens qu’il y a des choses qui commencent à venir mais ça demande vraiment un certain état d’esprit et du temps.
Interview et photographies réalisées par Kathleen Missud, référente #art et photographe pour Relief Expérience