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La plénitude de l'instant

Entre ennui profond et découverte de nouvelles passions éphémères, le confinement aura produit des effets relativement différents sur chacun d’entre nous. Si certains l’ont vécu de façon assez positive, d’autres y ont vu une épreuve quotidienne pour palier à la morosité des jours qui se suivaient et se ressemblaient inlassablement. En se fiant au discours général, il semblerait que la majorité d’entre nous se soit située dans la 2ème catégorie.

La question qui me vient alors est la suivante : comment se fait-il que nous nous ennuyions si vite ?

Comment expliquer que livrés à nous même, c’est-à-dire mis face à qui nous sommes, nous soyons si vite lassés de tout, à commencer par nous ? Nos ressources immatérielles se seraient-elles tant taries au fil des années, remplacées par l’effervescence des villes, les rythmes effrénés de nos vies professionnelles, que nous ne supportons plus de vivre une vie plus lente, sans sorties, sans excès, sans stimulation extérieure ?

Pourtant, en plein métro parisien, les discours du « je n’ai le temps de rien » ou « j’aimerais avoir 5 minutes pour moi » sont aussi répétitifs qu’une mauvaise playlist Spotify. Alors, comment se fait-il qu’une fois la possibilité de s’adonner à toutes les activités recensées dans notre to do list vieille de 5 ans, nous ne nous en saisissions pas et boudions le surplus de temps qui nous est accordé ?

Dans ce monde trop rapide, la lenteur se présente comme quelque chose que nous avons trop peu l’habitude de côtoyer. Elle nous fait peur car elle est synonyme d’inefficacité, d’oisiveté, de temps perdu. Et c’est là que nous nous trompons.

Habitués à vivre à un rythme effréné, nous aimons que les choses aillent vite. Par souci d’optimisation intense de nos emplois du temps, nous comblons la moindre minute disponible, nous faisant oublier ce que cela signifie, de ne rien avoir à faire. L’esprit, comme la nature, a horreur du vide. Nous avons ainsi tendance à penser que plus nous prévoyons de choses à faire, mieux nous nous porterons. Jongler dans la même journée entre une multitude de tâches nous donne l’impression d’être important, actif, dynamique, de contrôler ce qu’il se passe. Alors lorsque le temps s’impose à nous comme un invité que l’on n’aurait pas convié, il nous dérange, nous encombre. On préférait être pris entre toutes nos responsabilités et ne pas avoir à s’occuper de lui.

La lenteur peut avoir de nombreuses vertus car elle donne au cerveau la possibilité de mieux assimiler et intégrer ce qu’il est en train de voir, goûter, produire, lire, écouter, analyser, etc.

Elle est une fenêtre sur la mémoire et les souvenirs et nous permet de nous rappeler qui nous sommes et ce que nous voulons être. Elle nous ramène à l’essentiel en nous invitant à faire preuve de plus d’humilité face à ce qui nous entoure et la façon dont nous pouvons en jouir. En adoptant un changement de posture dans le rapport que nous avons au temps, nous acceptons de vivre les choses autrement. Nous en vivons peut-être moins, mais nous pouvons les vivre pleinement.

Cette intensité nous permet alors de réinterroger notre rapport à soi – quelles sont les choses qui me plaisent au point de ne pas voir passer le temps ? Quelles sont les choses auxquelles j’accorde moins d’importance ? et par conséquent aux autres. Ralentir, c’est se donner cette capacité à prendre le recul nécessaire pour s’ajuster et s’adapter à chaque nouvelle situation donnée.

Et si la période que nous venons de traverser nous donnait l’occasion de réapprendre à faire les choses avec plus de lenteur, en pleine conscience, en les appréciant avec un nouveau regard ? Si nous nous accordions chaque jour quelques minutes pour mieux évaluer ce que nous avons et ce que nous pouvons en faire ?

Cette période complexe aura sans doute été l’occasion de se rendre compte que les ressources intérieures dont nous disposons et la créativité dont nous pouvons faire preuve sont autant d’atouts nous permettant de nous épanouir dans n’importe quelle situation.

A nous de les cultiver.

Lecture complémentaire

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Article rédigé par Camille, mai 2020.