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Malakio

Texte : Rozenn Ludard
Photographies : Malakio, Marceau Uguen


Morgan & Hugo sont les co-fondateurs de Malakio, entreprise bretonne spécialisée dans le recyclage de déchets coquillés issus de la consommation humaine. Agés de seulement 23 et 24 ans, ils revendiquent leur envie d’agir et prendre part à un mouvement du mieux consommer. En s’occupant de l’ensemble de leur procédé de fabrication, depuis la sélection des coquilles jusqu’à la fabrication d’objets design, le binôme fait le pari d’une approche artisanale, vertueuse et respectueuse de l’environnement.

Interrogé dans le cadre de notre reportage Artisans de la mer, Morgan partage avec nous l’histoire de Malakio, leurs parcours, leurs ambitions et leur vision et nous font découvrir leur toute nouvelle aventure entrepreneuriale.

Morgan, peux-tu nous présenter Malakio et l’histoire de cette entreprise ?

Avec Hugo nous sommes deux amis d'enfance et nous sommes Bretons. Nous avons grandi dans la même ville, allions dans la même école, fréquentions les mêmes clubs de foot et la même piscine ! Nous avons respectivement 23 et 24 ans, Hugo est le sportif de l'équipe, il est diplômé d’un master en commerce International durant lequel il a fait des voyages d'études en Asie, il a une personnalité "carrée" et organisée. Moi, je suis originaire de Brest et j'ai un master Design de nouvelles pratiques alimentaires à Nantes, j'ai une personnalité plus créative. 

Malàkio est né en Septembre 2021 après 9 mois de Recherche & Développement afin de réduire les déchets coquillés issus de la consommation humaine comme les huîtres, les moules ou les Saint-Jacques. Nous avons trouvé un moyen pour les recycler par le biais des méthodologies du Design et de l'artisanat. Depuis, nous avons sauvé de la déchetterie environ une tonne de coquilles en les transformant principalement en petits objets d'arts de la table mais également en plateaux de tables et plans de travail sur-mesure. A deux nous travaillons pour le moment sur toutes les étapes allant du Design à la fabrication des objets en passant par l'approvisionnement, le nettoyage puis le broyage des coquilles. Tous nos objets sont produits à la main dans notre petit atelier en Bretagne.

Tu te définis comme « artiste, designer, artisan un mix de tout ca ou totalement autre chose », qu’est-ce que cela signifie pour toi ?

Nous nous définissons un peu comme un mix de tout ça, en effet, pour ma part j'ai un background de designer et Hugo lui n'avait jusqu'ici pas de lien concret avec ce type de métier. Mais nous nous considérons un peu comme des artisans en "auto-formation" car nous apprenons sur le tas en demandant des conseils à des artisans chevronnés, ce que l'on trouve vraiment super ! Après avoir fait ce que l'on appelle de "grandes études" basées sur la réflexion et le numérique, on revient à quelque chose de plus concret qui se rapproche des métiers que pratiquaient nos grand-pères respectifs avec beaucoup de fierté, comme un retour à l'essentiel. Nous travaillons également avec des artistes sur des projets plus expérimentaux qui font toujours du bien pour s'échapper des obligations parfois trop techniques et formatées.

©Marceau Uguen

©Marceau Uguen

Malakio est spécialisé dans le recyclage de déchets coquillés. Peux-tu nous expliquer de quelle façon travaille-t-on ce matériau ?

Avec Malàkio nous nous sommes surtout spécialisés dans la fabrication Low-tech. Notre matériau étant composé à environ 50-60% de coquilles et à 40-50% d'un minéral sans ajout de produit chimique qui sèche à l'air libre. Notre composite vient se couler dans un moule de la même façon que la pâte dans un moule à gâteau. Avant ça nous avons très précisément sélectionné les plus beaux bouts de coquilles. Ensuite nous le laissons durcir à l'air libre entre 30 minutes et 2 heures en fonction de l'épaisseur, nous démoulons puis laissons sécher à nouveau 24 à 48h. C'est après ces étapes qu'il faut une bonne dose d'huile de coude pour poncer chaque plateau de manière à faire ressortir les résidus de coquilles. Nous cherchons à avoir un processus qui consomme le moins d'énergie et d'eau possible. 

Les différentes techniques que vous utilisez aujourd’hui ont-elles été apprises au cours de tes études ?

J'ai appris certaines techniques pour réaliser des coffrages ou des moules sur-mesure lors de mon BTS mais c'était toujours purement théorique. Ce n’est pas vraiment la même chose quand il faut effectivement l’appliquer ! Le reste a été appris sur le tas en posant beaucoup de questions, en regardant des tutos et surtout en testant beaucoup ! Toutes les techniques que nous utilisons aujourd’hui chez Malakio ont demandé une bonne année de recherches. Mais nous ne comptons pas nous arrêter là ! Il nous reste encore beaucoup à améliorer et à découvrir.

Vos techniques ont-elles été développées en partenariat ? 

Nous les avons principalement développées à deux mais nous avons été très bien entourés par des personnes bienveillantes toujours prêtes à donner un conseil.

Avez-vous toujours travaillé plusieurs médiums en même temps ?

Oui toujours, plusieurs médiums mais également plusieurs corps de métiers en même temps, entre des savoir-faire ancestraux et des nouvelles technologies. C'est d'après nous ce qui offre les meilleures chances de découvrir des assemblages novateurs.

Comment qualifierais tu votre rapport à la nature ? 

Nous avons tous les deux un rapport particulier à la nature du fait d'avoir grandi à la campagne et à quelques kilomètres de l'océan. Nous y tenons beaucoup et avons beaucoup de mal à nous en passer plus de quelques jours. Une sorte d'addiction en quelque sorte !  Pour ma part je m'en sens redevable mais également responsable, j'estime en tant qu'humain avoir une responsabilité quant au fait de mettre fin aux destructions que l'on commet sur la nature et plus particulièrement sur l'océan.

Quelles sont vos principales sources d’inspiration ?

Les sources d'inspiration c'est un peu comme les médiums utilisés, elles viennent d'un peu partout. Des grands noms du design comme de l'artisan du quartier, d'un livre de Jules Verne comme d'un documentaire Thalassa. L'inspiration vient de la diversité des sources. 

©Marceau Uguen

Qu’est-ce qui rend vos créations uniques selon toi ?

Ce qui rend nos créations uniques sont avant tout les coquillages, nous travaillons avec une matière première issue du vivant et donc chaque coquille est par nature unique, de ce fait, même avec toute l'énergie du monde nous ne pourrions pas faire deux objets pareils. L'autre chose les rendants unique est le fait de les fabriquer à la main, il y a toujours une petite imperfection qui est parfois compliquée à accepter dans une société où tout doit être"parfait" mais de plus en plus de personnes nous disent que c'est ce qui fait le charme de l'artisanat. Et enfin, ce sont les usagers qui les rendent uniques par la façon dont il les utilise... 

Qu’est-ce que vos créations racontent de vous ?

Elles racontent de nous une envie d'agir à notre échelle pour essayer de prendre part à ce mouvement du mieux consommer. Une certaine forme d'optimisme aussi car nous savons que des centaines de projets mûrissent en France et dans le monde pour limiter les impacts sur l'environnement donc nous gardons espoir et nous souhaitons y participer. Elles racontent également notre passion partagée pour l'océan et la noblesse de ses ressources ainsi que de l'admiration pour les personnes qui pratiquent les métiers de la mer comme les ostréiculteurs. Enfin, elles racontent notre attachement à l'esthétisme des choses que ce soit par le biais du matériaux, du design mais également de tout ce qui l'entoure (packaging, comm, etc).

Quelles sont vos ambitions sur le long terme ?

Avec Hugo, nos ambitions sur le court-moyen terme sont de développer Malàkio afin de stabiliser l'entreprise et de créer de l'emploi en France. Sur le long terme nous espérons mettre au point d'autres composites, soit seuls, soit en collaboration avec d'autres entreprises afin de créer une vraie filière de valorisation du déchet coquillé en Europe qui aura pour principal objectif de limiter l'usage de matériaux nocifs pour l'environnement comme pour la santé.


Découvrir le travail de Malakio

www.malakio.com

@malakio_

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