A la découverte de la France : Fleurs d'Aquitaine
Texte : Léa Boeglin
Photographies : Léa Boeglin
En mars 2021, Léa Boeglin décide de suivre son intuition et de quitter son appartement parisien pour devenir photographe itinérante. Après avoir entamé une collaboration d’un mois avec la compagnie de location de Van, Van-it, elle se donne pour projet de sillonner les routes francaises accompagné d’un ami, à la recherche de projets engagés.
Nous avons alors eu l'idée de créer avec elle une série de portraits inspirants que nous avons nommée "A la découverte de la France" pour vous faire découvrir la vie d'hommes et femmes qui partagent et transmettent leur passion, au quotidien.
Au cours de ce voyage, Léa est allée à la rencontre de l’horticultrice Gabrielle Brault à l’initiative du projet « Fleurs d’Aquitaine ». Elle vous dresse dans l'article qui suit son portrait, le premier d'une série de trois que vous découvrirez au fil des mois, en exclusivité sur Relief Mag.
__
Le dix mars, nous faisons escale à Génissac chez Gabrielle Brault, floricultrice indépendante. En ce début d'après-midi ensoleillé, nous commençons la conversation autour d’un café, face à ses deux serres et ses 4000 m2 de terrain. Gabrielle nous raconte son parcours en nous servant. Après un master « Développement des territoires » et un poste dans une agence de développement touristique, elle décide de changer de vie.
Passionnée depuis toujours par le monde agricole, elle enchaîne les conférences sur le sujet et commence à faire du woofing dès l’âge de 18 ans en France et à l’étranger. Elle nous explique avoir toujours aimé la vie à la ferme et le travail en extérieur, être en connivence avec la nature. En 2020, elle décide de se lancer dans une nouvelle aventure : la floriculture. Après une formation en ligne sur le travail de la fleur coupée et quelques expériences dans des fermes florales, elle commence la recherche d'un terrain en Gironde.
Trouver le terrain idéal n’est pas une mince affaire. Après de multiples coups de téléphone, elle trouve cet espace de test agricole. Le contrat est de 3 ans, le prix est abordable et on lui prête du matériel. Une manière de rendre plus facile l’accès aux métiers de la terre. C’est ainsi que l’entreprise « Fleurs d’Aquitaine » voit le jour en avril 2020. Elle partage le terrain avec des maraîchers et une association « Eco-système». L’ambiance est joyeuse, ils s’entraident et partagent leurs savoirs. Gabrielle nous explique s’être lancée dans ce projet un pas après l’autre avec confiance, étant curieuse et ayant soif d’apprentissage surtout quand il s’agit de travailler en extérieur au contact de la nature.
Ce n’est pas un hasard si on trouve dans sa ferme que des fleurs locales de saison, écologiques et certifiées en Agriculture biologique. Gabrielle est membre de l’association du Collectif de la Fleur Française, un réseau d’environ 200 horticulteurs et fleuristes qui promeut le « Slow Flower », un mouvement né aux Etats-Unis au milieu des années 2000 et qui essaime depuis dans le monde. Ce collectif a pour but d’informer mais aussi d’éduquer le consommateur sur ces nouvelles pratiques qui respectent l’environnement et notre santé à l’heure où neuf fleurs sur dix vendues en France viennent du bout du monde. Il met en lumière les horticulteurs français tels que Gabrielle dont la filière ne compte plus qu’environ 400 producteurs contre 8000 en 1985.
Notre café se termine, elle nous emmène visiter son exploitation. On y découvre une multitude de fleurs, de celles que l’on ne voit que trop rarement dans les circuits traditionnels, une soixantaine de variétés à l’année, choisies pour leurs couleurs, formes, textures et leur zone de rusticité (zone géographique dans laquelle elles peuvent pousser, ndlr).
Face à nous et sécateur en main Gabrielle nous montre les fleurs qu’elle aime, souples et non calibrées. Le terrain étant à sa disposition pour trois ans seulement, elle ne peut pas cultiver certaines fleurs vivaces qui « donnent » plusieurs années après. Pour le moment, impossible de se projeter sur ce terrain, c’est plutôt un laboratoire d’expérimentation, explique-t-elle. Nous parcourons les allées remplies de camomille, anémones, nigelles, achillée, mufliers, cerinthe, soucis, julienne des dames, renoncules, giroflées, bleuets, narcisses, scabieuses, amarantes.
Gabrielle vend ses fleurs à des particuliers sur le marché des Capucins mais également à des fleuristes de Bordeaux. Ce qu’elle aime dans son métier, c’est sa créativité et sa diversité, ce qui lui permet de valoriser ses fleurs de différentes manières. Séchées en hiver, elle réalise des couronnes décoratives, elle fournit sur demande des fleurs comestibles et souhaite commercialiser ses graines. Cet été, elle travaillera main dans la main avec une fleuriste pour organiser des ateliers de cueillette sur son terrain.
En se baladant dans les allées, nous avons l’impression que ces fleurs sont là depuis toujours. Difficile d’imaginer pourtant qu'elle s’est installée ici il y a un an à peine et qu’avant cela le terrain était inexploité. « Voir l’évolution de son travail en direct, c’est très gratifiant » nous commente Gabrielle. Nous traversons sa nouvelle serre, tout juste installée qui sera prochainement remplie de douze planches de 30 mètres de dahlias roses et blancs qu’elle sèmera après notre départ.
Quand Gabrielle parle de ses fleurs, c’est avec enthousiasme et passion malgré les défis qui lui sont lancés chaque jour. Quand il pleut, les sols sont impraticables à cause de l’argile. Dépendante de la météo, elle nous explique que les fleurs ont besoin qu’on respecte un emploi du temps particulier pour s’épanouir pleinement. « Il faut donc planifier les cultures. Certaines variétés peuvent se récolter pendant plusieurs mois alors qu’à l’inverse d'autres une seule fois ».
Le ratio temps de travail et quantité de production n’est jamais le même selon les fleurs qu’elle cultive mais elle tient à proposer à ses clients de la diversité. Pour avoir une production tout au long de l’année, Gabrielle organise des roulements, tous les mois elle plante 8 planches de semis, qu’elle prépare en amont sous serre. Elle veille sur ses plantes avec attention. Quel plaisir de voir des bouquets récoltés à la main, des fleurs qui racontent une histoire, la magie de la vie.
C’est une initiative porteuse de sens et une belle façon de revaloriser la fleur française. « Je suis heureuse d’être quotidiennement entourée de beau » confie-t-elle, radieuse.
Si vous êtes de la région et que vous voulez encourager cette jeune productrice vous pouvez retrouver ses fleurs au marché des Capucins à Bordeaux le samedi matin. Elle propose également des fleurs en vrac pour les mariés qui souhaitent faire leurs propres bouquets de mariage et compositions de table.